Ne cherchez pas en lui l’image de l’artiste tourmenté qui broie ses idées noires sur la toile. Vincent Leclerc revendique au contraire des œuvres lumineuses, nées du simple plaisir de peindre.
Nus, paysages urbains à l’architecture fantomatique, scènes de plage et de bord de mer baignées d’un soleil estival, personnages en mouvement, se dessinent sous le regard curieux d’un observateur attentif aux gestes quotidiens et à tous ces petits moments qui font nos vies, aussi anodins qu’intimes.
Né en 1974 à Paris, le jeune artiste ne s’ennuie jamais. Il pourrait passer des heures dans la rue, dans les gares, aux terrasses des cafés à voir les gens se croiser, se rencontrer, se perdre ou se retrouver. En un mot, vivre. C’est cette énergie urbaine, ce monde mouvant que l’on retrouve dans son travail, qu’il s’agisse de peintures figuratives, de compositions abstraites, de dessins ou de croquis saisis sur le vif dans ses petits carnets, part intime d’une œuvre variée articulée autour des thèmes de l’homme et du temps.
Ce temps qu’il fixe en des cadrages serrés, très photographiques. Si le dessin est pour lui « l’école de la composition », un exercice indispensable qu’il pratique, carnet en poche, depuis ses plus jeunes années, beaucoup de ses peintures naissent de clichés. Ceux qu’il prend sans viser, au hasard. « Je regarde après. Je photographie les gens à leur insu, je les surprends dans une attitude. Puis je choisis les images en fonction de la composition, de l’équilibre des masses », explique-t-il.
Les personnages coupés à mi-corps, les mouvements qui se prolongent hors champ, l’effet de zoom, le premier plan très marqué plongent le spectateur au cœur du sujet, en des visions parfois au bord du déséquilibre.
Paradoxalement, le dessin n’intervient qu’en dernier. Vincent peint d’abord les grandes masses, en trois couleurs. « J’utilise de gros pinceaux, j’aime que l’on voit la trace, le geste, la matière de la peinture ». Puis il affine, nuance, avant de tracer des lignes au feutre qui cisèlent les formes. Le léger décalage entre l’espace coloré et la ligne participe alors au dynamisme des personnages.
Solaires, ses scènes de bord de mer comptent parmi ses œuvres les plus captivantes. Elles ne sont pas sans évoquer Raoul Dufy (1877-1953), un artiste qu’il apprécie pour la simplicité essentielle de ses toiles, leur caractère décoratif, la liberté de la ligne qui en anime les couleurs. Celles de Vincent Leclerc respirent les parfums d’été, l’insouciance, la convivialité, le plaisir des promenades et des verres en terrasse. C’est sa manière à lui d’arrêter le temps, tout en peignant des êtres de passage. On ne sait d’où ils viennent, ni où ils vont quand ils s’échappent du cadre du tableau. À chacun d’imaginer leur vie, un avant ou un après à ces instants volés à Arcachon, Séville, Grenade, Paris, Berlin – autant de villes traversées par l’artiste -, ou ailleurs. Car aucune œuvre ne porte de titre. « Mettre des mots, c’est voler ses impressions à celui qui regarde le tableau », dit-il joliment.
La peinture figurative représente une large part de ses recherches, mais il développe également un travail abstrait, entre collages et paysages troubles à la touche vive et éclatée.
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Guillaume Morel Journaliste à « Connaissance des Arts » Juillet 2008
Du réel à l’imaginaire
Les images de Vincent Leclerc décrivent, grâce à un réalisme iconographique calculé, la vie ordinaire de la grande ville. Ses peintures offrent un reportage mimétique photographique imprimé de manière obsessive dans la mémoire. Les sensations et les actions dirigent la main de l’artiste.
Le dessin s’appuie sur des traductions rapides et sûres, auxquelles est associée une polychromie éclatante. Place de la Bastille, dans le salon où s’est déroulée l’exposition des dernières œuvres de Vincent Leclerc, les nombreux visiteurs ont certainement eu la sensation de se retrouver à nouveau au milieu du chaos urbain.
La culture et la technique de réalisation supportent un champ figuratif en plein air. La rue est le mobile d’une figure qui utilise, par le biais d’un langage poétique à la fois innovant et concret, des expériences historiques consumées, de l’anti-académisme pictural impressionniste (Monet) aux expériences émotionnelles et spirituelles expressionnistes (Matisse) jusqu’aux concrétisations dans les mouvements abstraits ou informels qui constituent la représentation réaliste de l’univers iconographique de la société actuelle dans son ensemble.
Vincent Leclerc réalise ses œuvres avec une grande force gestuelle. Son action va au-delà d’une simple description de la réalité, déjà privée de statisme, grâce à une technique picturale qui utilise une succession instinctive d’une composition caractérisée par de grand coup de pinceaux. La description du paysage urbain est ensuite animée de valeurs linéaires, superposées, dont l’objectif est de signaler de visibles ou immatériels itinéraires humains.